Retour au bercail

Il l'écoutait tout en se dirigeant vers le pensionnat. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Barsanuphe se demandait si le flot de question allait arrêter de se déverser. Il s'arrêta au pied d'un mur et se tourna vers elle tandis que des briques sortaient du mur pour créer un escalier.

Premièrement, non, tu ne feras pas de tour de passe-passe. Cael doit se souvenir de tout, et le surprotéger ne lui rendrait pas service. Par ailleurs j'espère qu'ils ne vous ont pas vus.

Il commença à monter les escaliers, montant vers un balcon au deuxième étage.

Tu ne te souviens certes pas de l'époque où Psycadélice n'existait pas. Où humains et êtres "fantastiques" se côtoyaient. Figure-toi qu'à cette époque, les humains n'étaient pas les seuls à être contre la loi sur l'égalité. Certains d'entre nous se considérant supérieurs aux humains, ce que l'on ne peut certes pas nier, ont formé une sorte de secte visant à anéantir les "égalitaires" comme ils les appelaient. Ils n'étaient pas très nombreux mais leurs exactions sont allées très loin. Ils tuaient quiconque étaient pour l'égalité. Outre les assassinats, il y eut des attentats aux quatre coins du monde connu. Tant de choses que nous avons dû, par la suite effacer des mémoires. Les néantes ont finalement eu ce qu'ils voulaient. Et on n'a plus entendu parler d'eux, jusqu'à aujourd'hui. Et le pensionnat y est pour quelque chose.

Il enjamba la rambarde, déposa Cael sur un banc de pierre et tendit la main à Des' pour l'aider.

Les néantes ne cherchaient peut-être pas Cael, et ils s'en sont pris à moi -et je me plais à croire qu'ils ne savent pas que tu étais là-, parce qu'ils connaissent mes opinions. Ils ont dû sentir Cael, faut dire qu'il ne passe pas inaperçu. Il représente ce que les néantes haïssent.

La porte-fenêtre s'ouvrit. Barsanuphe invita sa cousine à entrer et à s'installer sur un fauteuil. Il porta Cael jusqu'à son lit et s'assit sur la rambarde du balcon, pensif.

Quant à la potion... ça me chiffonne. Tu n'es pas le premier vampire à avoir besoin de couleurs normales. Et j'ai créé des potions presque perpétuelles. Si la présence de néantes ne m'étonne pas plus que ça, cette histoire de couleur en revanche ça m'inquiète. Non décidément quelque chose ne va pas...

Il resta silencieux un moment. S'ils avaient vu des néantes, il était possible que... Il regarda Desdemona, un brin de panique dans les yeux.

Tu n'as pas eu à te battre j'espère?

Desdemona réfléchit un instant à ce que son cousin venait de lui expliquer. Effectivement, s'ils la découvraient, ces Néantes poseraient problème. D'une part, parce qu'ils risqueraient de la tuer et, d'autre part, parce qu'être poursuivie par les humains signifierait être reconnue comme protectrice des humains, ce qu'elle était mais que Dorothy Butterfly ne saurait supporter. Ainsi, si on découvrait tout, peut-être découvrirait on aussi pour Tuomas, et cela serait une catastrophe.

Non, je n'ai pas eu à me battre, et tant mieux. Je ne veux pas que mon amitié pour les humains remonte jusqu'à Dorothy. Bon, je crois qu'on ferait mieux de laisser Cael dormir maintenant, allons plutôt dans ton bureau et tu me feras la manucure dont on a parlé l'autre jour, tu me dois bien ça après cette histoire, je crois.

Elle sourit à son cousin et porta Cael du balcon où ils se trouvaient jusqu'à son lit. Elle plaça ensuite ses mains au-dessus de lui et se concentra. Son cousin tenta de l'arrêter, pensant sûrement que malgré ses remontrances elle effaçait sa mémoire, mais elle lui fit signe de se taire et continua. Quand ce fut terminé, elle griffonna un mot sur un morceau de papier demandant à Cael de se rendre au bureau de son cousin quand il serait réveillé et calmé. Elle se dirigea vers la porte et se retourna quand elle vit que son cousin ne bougeait pas.

Bon, j'ai fait en sorte qu'il dorme une douzaine d'heure, ça devrait lui faire du bien. Tu viens ou pas ?

Son cousin la regarda et lui sourit, et elle passa la porte sans regarder s'il la suivait.

Ce fut un réel soulagement d'entendre Desdemona dire qu'elle ne s'était pas battue. Il le cacha cependant. Elle n'avait pas besoin -et appréciait d'autant moins- d'être surprotégée. Pourtant il ne pouvait s'en empêcher. Il connaissait bien les néantes et leurs pouvoirs, et si sa cousine avait utilisé les siens devant eux... il frissonna à l'idée de ce qui aurait pu arriver.

Je ne t'ai jamais obligée à venir, au contraire, et c'est même toi qui a insisté si mes souvenirs sont exacts... et ils le sont...

Il lui sourit avant de reprendre:

Je ne garantis pas que la couleur sera sublime, j'ai fait au mieux en tâchant d'être un peu original.

En effet il avait passé un certain temps pour ce vernis, comme chaque fois qu'il voulait faire plaisir à sa cousine. Il avait pioché dans de très vieux pigments, ceux de l'âge d'or des Viviris, pour ce simple vernis. Et voilà qu'elle utilisait ses pouvoirs sur Cael ! Il tenta de l'en empêcher mais elle l'arrêta d'un geste. Barsanuphe la regarda, légèrement boudeur, puis il lui sourit.
La laissant partir, il lança un dernier coup d'œil, très paternel, au jeune empâthe avant de la suivre dans les couloirs.

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